OU EN EST-ON AVEC L’ARTICLE L125.1 du CODE DES ASSURANCES APRES LA LOI DU 28 DECEMBRE 2021 et l’Ordonnance du 8 FEVRIER 2023 ? - THIREL SOLUTIONS - Avocat SOS Sécheresse

OU EN EST-ON AVEC L’ARTICLE L125.1 du CODE DES ASSURANCES APRES LA LOI DU 28 DECEMBRE 2021 et l’Ordonnance du 8 FEVRIER 2023 ?

A ce jour En vertu de l’article L 125.1 du Code des Assurances

Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises.

Au 1er février 2023, devait entrer en vigueur la réforme du régime de l’indemnisation des catastrophes naturelles faite au bénéfice des assureurs depar la Loi du 28 décembre 2021 qui devait entrer en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la publication de la présente loi. Soit le 1er février 2023.

Pour nous, cette réforme n’a pas vocation à s’appliquer aux fissures apparues jusqu’au 31 janvier 2023, compte tenu de la non rétroactivité de la Loi dans le temps.

Même si un arrêté de catastrophe naturelle est pris en 2023 ce qui compte, en droit des assurances c’est le fait générateur du sinistre et donc la date à laquelle les fissures sont apparues peu importe que l’arrêté soit pris ultérieurement.

Le régime antérieur au 1er février 2023 a vocation à s’appliquer devant les Tribunaux encore de nombreuses années.

Il est plus favorable aux assurés dans la mesure où les contrats d’assurance MRH  sont rarement plafonnés à la valeur vénale du bien quant au montant des réparations et qu’il n’est pas exigé que les désordres portent une atteinte à la solidité du bâtiment ou rendent l’immeuble impropre à sa destination.

Par définition les désordres de retrait gonflement des argiles sont évolutifs, ils commencent toujours par des microfissures pour évoluer vers des fissures au gré des saisons puis vers des crevasses, si rien n’est fait.

Aujourd’hui de simples microfissures évolutives suffisent à enclencher la garantie catastrophe naturelle.

A compter du 1er février 2023 l’article L 125.1 du Code des Assurances issu de la Loi du 28 décembre 2021 dispose que :

Dans la limite du montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre, les indemnisations dues à l’assuré au titre des sinistres liés aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols couvrent les travaux permettant un arrêt des désordres existants consécutifs à l’événement lorsque l’expertise constate une atteinte à la solidité du bâtiment ou un état du bien le rendant impropre à sa destination.

Cette loi avait vocation à s’appliquer pour les fissures apparues avant le 1er février 2023 qui donneront lieu à des arrêtés de catastrophe naturelle en 2024. La jurisprudence sur ce type de dossier n’est pas attendue avant 2027.

1er limite posée par la réforme du 28 décembre 2021 L’indemnisation due par votre assureur sera limitée à la valeur vénale de votre bien.

Si les travaux de reprises sont supérieurs à la valeur de votre bien, ils seront plafonnés à cette somme.

Sur cette question, il est possible d’engager un recours devant le Conseil Constitutionnel, la Loi créant une inégalité des citoyens en fonction de leur lieu d’habitation.

Cette limitation à la valeur vénale du bien n’a pas été reprise

2eme limite posée par la réforme du 28 décembre 2021, il faut que vos désordres présentent une certaine gravité et portent atteinte à la solidité du bâtiment ou un état du bien le rendant impropre à sa destination.

De nombreux contentieux verront le jour sur ce sujet.

Cette définition renvoie à une notion de désordre que l’on retrouve en droit de la construction et renvoie à la garantie décennale de l’article 1792 du Code Civil.

En droit de la construction il existe plusieurs types de fissures :

  • Le faïençage est un ensemble de très fines craquelures, ces petites fissures sont superficielles et ne concernent qu’une épaisseur fine de la couche d’enduit.
  • La microfissure est une ouverture linéaire, de largeur inférieure ou égale à 0,2 mm. La microfissure quant à elle concerne la totalité de l’épaisseur de l’enduit. Bien que superficielles, les microfissures sont à surveiller car elles peuvent être à l’origine d’infiltration d’eau passant sous l’enduit de surface, ce qui l’endommagerait. Elles peuvent aussi évoluer en véritables fissures.
  • La fissure fine est une ouverture linéaire, au tracé plus ou moins régulier, de largeur de 0,2 à 2 mm. Elles peuvent concerner toute l’épaisseur de l’enduit ou concerner également la maçonnerie.
  • Fissures en moustache : elles partent des angles des ouvertures et sont obliques ou verticales. Elles sont dues à une faiblesse de la maçonnerie aux niveaux des appuis de fenêtres ou de l’ensemble des ouvertures (porte, porte-fenêtre, baie vitrée, etc.).
  • Fissures verticales aux angles du bâtiment : elles peuvent provenir de fondations inadaptées ou d’un défaut du chainage vertical.
  • Fissures horizontales à hauteur du plancher : Elles sont rattachées aux phénomènes de retrait ou dilatation des matériaux.

Une fissure qui n’est qu’esthétique et qui n’évolue pas n’est pas prise en charge par la garantie décennale.

Pour être prise en compte en droit de la construction une fissure doit être suffisamment grave pour porter atteinte à l’étanchéité à l’aire et à l’eau de l’immeuble.

Il en va différemment de fissures évolutives et actives qui peuvent évoluer dans les 10 ans de la réception de l’ouvrage vers des fissures rendant impropres l’immeuble à sa destination ou porte atteinte à sa solidité.

Autant dire que si l’on applique ces critères issus de l’application de l’article 1792 du Code Civil peut de sinistre de catastrophe naturelle seront pris en charge par les assureurs.

Or, une fissure sur un sol argileux est nécessairement évolutive dans le temps au gré des saisons du phénomène de retrait et gonflement des argiles.

La fissure s’ouvre l’été en période sèche et se referme l’hiver en période de réhydratation.

Au début apparaissent des microfissures puis des fissures puis des crevasses et des lézardes et si rien n’est fait pour stabiliser la maison, celle ira vers sa dislocation.

Les fissures de RGA sont en générales actives. Elles peuvent s’allonger, s’écarter ou se multiplier.

La structure et l’intégrité des fondations sont alors remises en question. Les fondations ne  remplissent plus leur fonction principale à savoir tenir en sécurité la maison dans le sol.

En l’état les désordres de simples microfissures en lien avec un phénomène de RGA seront qualifiés par votre assureur d’esthétiques et donneront lieu à un refus de prise en charge de votre sinistre.

Il faudra que votre immeuble présente des fissures (plus de 2mm d’ouverture) et que l’immeuble ne soit plus étanche à l’air et à l’eau pour être pris en charge par votre assureur si l’on se réfère à l’application du droit de la construction, par analogie.

Cette comparaison a toutefois ses limites, dans la mesure où les désordres même esthétiques qui sont évolutifs dans les 10 ans de la réception sont pris en charge par la garantie décennale due par les constructeurs.

En réalité, la réforme du 28 décembre 2021 n’aura qu’un effet retardant sur les indemnisations, puisque par définition ce type de désordre est évolutif.

Au moment de votre déclaration de sinistre vos désordres ne porteront peut-être pas encore atteinte à la solidité de l’ouvrage, mais au gré des saisons et des réhydratations vos désordres ne peuvent qu’évoluer négativement.

Pas de Panique : grâce à la prescription en matière de catastrophe naturelle passe au 1er janvier 2023 de 2 ans à 5 ans.

Cf article L 114.1 du Code des Assurances: « Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’événement qui y donne naissance. »

Il est fort à parier que vos désordres dans ce délai auront considérablement évolué et que votre assureur sera tenu de réparer votre bien.

Qu’en est-il avec l’Ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols

Cette ordonnance en fait annihile la loi du 28 décembre 2021 et modifie la portée de l’article L 125.1 du Code des Assurances et ne rentrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2024.

Toutefois, le 3° de son article 1er créant les articles L. 125-2-1 à L. 125-2-4 du code des assurances entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2025. Articles qui portent sur le contrôle du travail des experts d’assurances…. Par l’Etat.

Seront pris en charge

Au 1er janvier 2024 les dommages susceptibles d’affecter la solidité du bâti ou d’entraver l’usage normal du bâtiment.

Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions de mise en œuvre de cette garantie, notamment la nature des dommages couverts et les modalités d’indemnisation. »

La limitation à la valeur vénale a disparu… tout comme l’impropriété à la destination…qui est remplacée par « l’entrave à l’usage normal du bâtiment ».

A partir de quand aurons-nous une atteinte à la solidité du bâti alors que les fissures de RGA sont évolutives par essence et que l’on aura 5 ans pour revenir dans le dossier du fait de la nouvelle prescription…

L’entrave anormale du bâtiment sera constatée facilement par le simple fait que l’on ne puisse pas fermer les portes ou les fenêtres normalement ou que l’on ne puisse pas chauffer l’immeuble.

Si l’on est dans l’usage anormal du bâti cela renvoie à la notion d’impropriété à destination qui désigne l’impossibilité pour un ouvrage de remplir la fonction à laquelle il est destiné.

L’application de ce texte ne manquera pas de donner lieu à un abondant contentieux et de retarder encore plus le règlement de ce type de sinistre.

Me THIREL

Avocat à la Cour.