QUAND L'ASSUREUR ne sait pas qui il assure en catastrophe naturelle ??? - THIREL SOLUTIONS - Avocat SOS Sécheresse

QUAND L’ASSUREUR ne sait pas qui il assure en catastrophe naturelle ???

Tribunal judiciaire d’Avignon, 15 mai 2023, n°21/01580, X / GMF :

Faits : En 2002, le propriétaire d’une maison à usage d’habitation (M. Pierre X) a fait don de ce bien à ses deux petits-fils Jean et Luc ) en se réservant l’usufruit.

Le père des nus-propriétaires (Jean-Paul X) a souscrit un contrat d’assurance habitation avec la société GAN ASSURANCES pour le compte de M. Pierre X (usufruitier) et Jean et Luc (nus-propriétaires).

En 2004, le nu-propriétaire fait réaliser des travaux d’agrandissement sur la maison.

En 2019, après avoir constaté l’apparition de fissures sur la maison, consécutivement à une période de sécheresse reconnue comme catastrophe naturelle, Jean-Paul X, le souscripteur du contrat d’assurance, a déclaré le sinistre auprès du GAN.

Peu après, le nu-propriétaire décédait.

GAN a fait intervenir son expert avec qui un accord sur le montant des travaux à hauteur de 300.000 euros est trouvé.

En 2020, la commune était de nouveau déclarée en état de catastrophe naturelle pour mouvement de terrain hors sécheresse géotechnique pour 2019.

C’est alors que le GAN a indiqué ne pas couvrir le sinistre.

Procédure : Le 26 octobre 2020, le Président du Tribunal judiciaire d’Avignon rejetait la demande d’expertise des consorts LUCAS en considérant qu’ils ne justifiaient pas de leur qualité de propriétaires.

Par une nouvelle ordonnance de référé, le 31 mai 2020, les demandeurs étaient invités à saisir le juge du fond en raison de contestations sérieuses faisant obstacle à l’instance en référé l’assureur déclarant qu’il ne savait pas qui était assuré.

Les nus-propriétaires (devenus propriétaires depuis la mort de leur grand-père) et leur père, souscripteur du contrat d’assurance, assignaient la société GAN ASSURANCES devant le tribunal judiciaire d’AVIGNON au titre de la garantie catastrophe naturelle.

Motifs de la décision : Sur la question de savoir qui étaient les titulaires du contrat d’assurance, le tribunal relève que les petits-fils ont reçu la maison de leur grand-père en nue-propriété. Ce dernier étant décédé en 2017, ses petits-fils sont devenus entièrement propriétaires au jour de son décès. Le Tribunal rappelle également que l’assurance pour compte peut être implicite et résulter de la volonté non-équivoque des parties. En l’espèce, le contrat stipule : « il est donné acte à l’assuré que M. Pierre X, usufruitier est assuré au titre de la responsabilité civile vie privée par le présent contrat, que les enfants de l’assuré sont les nus-propriétaires de la villa que nous assurons ». Il est donc admis sans équivoque que GAN et M. Jean-Pierre X ont souhaité conclure un contrat d’assurance responsabilité civile au profit de l’usufruitier et une assurance garantissant les dommages causés à un immeuble au profit des nus-propriétaires. Le Tribunal considère donc qu’au jour du sinistre, la villa se trouvait assurée pour le risque CatNat du fait des nus-propriétaires.

Sur la situation antérieure au 11 octobre 2016, le tribunal considère que l’immeuble n’ayant pas connu de sinistre sur cette période, il est donc question de se reporter au contrat conclu le 11 octobre 2016, lequel mentionne bien l’agrandissement effectué sur l’immeuble. L’assureur ne peut donc pas arguer que cet agrandissement n’avait pas été porté à sa connaissance pour limiter sa garantie.

Sur l’apparition du sinistre, l’assureur conteste la date d’apparition du sinistre et considère qu’il est intervenu avant novembre 2016. Cependant, n’apportant aucune preuve de ce que le sinistre serait apparu antérieurement, et s’appuyant sur les attestations fournies et le rapport de la société TEMSOL intervenue le 16 novembre 2016 fournis par les consorts X, le Tribunal considère que le sinistre est effectivement apparu à la mi-novembre 2016, donc dans une période garantie par l’assureur.

Sur l’indemnité due, le tribunal retient que l’assureur a eu l’occasion de débattre contradictoirement de l’évaluation des travaux de réparation avec l’expert d’assuré. Le tribunal relève également que l’assureur ne produit aucun élément contractuel permettant de chiffrer la franchise et justifier l’application d’une réduction pour vétusté. Le tribunal considère donc qu’il n’y a lieu de limiter le montant de l’indemnisation, soit 300.000 euros déduction faite de la franchise légale d’un montant de 1.520,00€.

Sur la règle proportionnelle de prime dont l’assureur demandait l’application, le tribunal retient que risque était régulièrement déclaré à l’assureur depuis la conclusion du contrat d’assurance du 11 octobre 2016. Le sinistre étant apparu à la mi-novembre de la même année, donc sur une période couverte par la garantie, il devait être couvert intégralement.

Le Tribunal judiciaire d’AVIGNON condamne donc l’assureur à garantir le sinistre dans son entièreté, avec indexation sur l’indice BT01.

Le tribunal condamne également l’assureur à payer aux consorts X la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du CPC et le condamne aux entiers dépens.